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Par : Pascal Dardenne
Actualités | 12 août 2016

Vaincre les idées reçues qui ont écarté les seniors du travail

Les contrats de génération sont-ils une idée concrète ou bien le fruit d’une certaine nostalgie ? « Le contrat de génération va permettre d’augmenter le nombre d’embauches. Une fois le jeune recruté, il faudra porter une attention toute particulière à la mise en place du parrainage et à la qualité de la formation dispensée. » Jean-François Roubaud, président de la CGPME (Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises), est un pragmatique. Les petites et moyennes entreprises tireront tout le parti possible de la mesure phare de la présidence Hollande en faveur de l’emploi.

Mais en France chaque gouvernement semble obligé d’inventer une nouvelle politique. Le plan Borloo (2005), qui parlait des seniors en s’attachant principalement au sort des cadets, stipulait qu’il fallait « accompagner 800 000 jeunes en difficulté vers l’emploi durable avec des référents, choisis parmi les professionnels du service public et les seniors expérimentés dans le champ éducatif ». Or, comment faire reconnaître la compétence de leurs aînés par les cadets après les avoir disqualifiés, voire écartés précocement du système productif depuis plus de 30 ans ? En 2009, le gouvernement Sarkozy lançait le «  Plan d’Action Senior », obligeant les entreprises de plus de 300 salariés à mettre en place des actions concrètes et mesurables favorisant l’intégration de travailleurs âgés, leur formation, leur transition vers la retraite ou encore la transmission des savoirs. Ces orientations supplémentaires et contraignantes (sous peine de se voir pénaliser d’un montant équivalent à 1 % de la masse salariale) ont eu pour vertu de mettre le projecteur sur l’emploi des seniors. Et si dans les faits le plan d’action senior a eu peu d’impact sur l’emploi, son principal succès réside dans l’amélioration de la préoccupation des responsables de ressources humaines au sujet de cette population souvent délaissée. Il y a eu un impact psychologique très positif. L’objectif du contrat de génération est cette fois l’embauche, à terme, de 500 000 jeunes accompagnés chacun par un senior. Le senior serait ainsi maintenu dans l’emploi jusqu’à son départ à la retraite. Le but est bien de répondre aux difficultés d’insertion des jeunes tout en luttant contre le chômage des seniors.

Comme les précédentes, cette mesure est assortie d’avantages fiscaux, mais la plus innovante des mesures est celle qui porte sur la transmission de petites entreprises par des dirigeants âgés. Car chaque année, l’absence de transmission est à l’origine de la disparition de milliers de petites PME. Un patron ne sait pas forcément comment transmettre. Le jeune dispose rarement du capital voulu. Les banques sont le plus souvent réticentes à les soutenir. Le contrat de génération est animé d’une excellente intention mais l’application de l’idée du tutorat – l’aîné transmettant son savoir au jeune – ne va pas de soi. En effet, entre aînés et jeunes, la transmission peut être à double-sens lorsqu’elle fonctionne !

Or, « le choc des générations provoque des conflits tant pour la transmission des savoirs (difficultés de la pédagogie, crainte d’une éventuelle perte de pouvoir) que pour l’esprit d’équipe (refus de la discipline chez les plus jeunes confiés aux seniors ; difficultés pour les seniors d’accepter des jeunes supérieurs hiérarchiques). » Rien ne peut fonctionner réellement sans une embellie durable et forte de l’économie. La sociologue du travail Éléonore Marbot a consacré sa thèse de doctorat au « sentiment de fin de vie professionnelle chez les plus de cinquante ans » et à l’amertume que suscite leur médiocre traitement. Elle avoue que le problème ne se règlerait sans doute que si le volume et l’intensité de l’activité économique l’exigeait. Cette condition est nécessaire, de même qu’il est indispensable de créer les conditions d’une réappropriation du travail par les seniors. Il ne s’agit pas seulement d’améliorer les rémunérations, mais plutôt l’accès à la formation, les parcours professionnels, l’organisation du temps de travail. Les seniors peuvent avoir besoin d’un accueil de jour pour des parents en perte d’autonomie et les cadets, de crèches. Mais les conditions favorisant le bien-être au travail et son attractivité sont identiques ou presque pour toutes les catégories.

S’exprimant en 2007 sur les perspectives de plans pour le travail des seniors à la française, le prix Nobel d’économie 2006 Edmund Phelps expose son idée sur le sujet. Il l’a communiqué avec un diagnostic carabiné de la situation française, soulignant les préjugés à vaincre et les conditions à instaurer. Les seniors, comme beaucoup auraient tendance à le penser, sont-ils réticents au travail ? Il faut faire de l’activité post-retraite un outil de stimulation mentale, effectif pour toutes les catégories, y compris pour les métiers modestes.

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